Pour en trouver un beau

J’ai d’abord tenté le « Notre Père ». Cela me semblait assez bien adapté à la situation « …donne nous aujourd’hui notre pain quotidien…. ». Bon, moi ce n’était pas précisément du pain que j’envisageais, mais on ne sait jamais cela pouvait marcher. Niet, nada pas un pied, pas un chapeau en vue.

Je me suis alors dit qu’une prière plus personnelle, avec un objectif plus lisible pourrait être plus efficace. « Mon Dieu, pourriez-vous avoir l’extrême gentillesse, du haut des cieux que vous occupez depuis un moment et donc d’où rien ne peut vous échapper, de me montrer le chemin, me guider en quelque sorte, afin qu’enfin je trouve MON PREMIER CEPE DE LA JOURNEE parce que ça fait une heure que je tourne et que mon pauvre petit panier est encore totalement vide ! » Vous ne le croirez peut-être pas, mais ce qui se passa est absolument navrant : niet, nada, zéro comme avec le Notre père, pas plus avancé. Pour être vraiment honnête, je dois dire que je ne suis pas croyant, mais ce ne devrait pas être – à mon sens – une raison suffisante pour ne pas me donner un coup de main et puis surtout, je m’étais vraiment appliqué.

Il fallait bien trouver quelque chose. Seul au milieu de tous ces arbres qui devaient bien rigoler en douce, il était de plus en plus évident que seul, sans une intervention divine ou pas,  je n’y arriverais jamais et je rentrerais bredouille ; ça, jamais !

Une chanson ancienne me revint en mémoire. « Dame Lombarde ». Et me voilà chantonnant « Venez au Bois Dame Lombarde, venez au Bois. Venez au Bois Dame Lombarde, venez au Bois. Nous trouverons … ». Une strophe, deux strophes, trois strophes (oui je la connais par cœur pour l’avoir souvent entendue dans les années 70 -1970 !-).

A dire vrai, il n’est pas vraiment question dans cette chanson de ramasser des girolles, des trompettes  et encore moins des pieds de moutons (quoique des amanites phalloïdes auraient pu tout aussi bien faire l’affaire dans l’histoire en lieu et place d’un serpent verde). Bref, résultat toujours nul, panier toujours vierge du moindre Eumycète (champignon est un nom un peu vulgaire voire ambigu, dixit Wikipédia).

Moi à ce moment de l’histoire je me fiche de l’appellation qu’il faut donner à un cèpe, je veux en trouver un, point.

Et je veux en trouver un beau. Je répète à haute voix, «  je veux en trouver un beau », « …en trouver un beau », « …en trouver Rimbaud ».  Une illumination géniale et mycologique à la fois venait de surgir en plein cœur du petit bois de Sablonnières.

Rimbaud : mais oui c’est bien sûr. La poésie à l’état pur et les champignons  par milliers dans mon panier d’osier (ça rime, merci Arthur). Alors, allons-y à pleins poumons.

« Par les soirs bleus d’été.. »…Et hop, un cèpe, hop encore un autre, un troisième…et des superbes, pas véreux, pas goulument dévorés par les immondes limaces.

« J’irai dans les sentiers… » ..Bon je ne les compte plus, en moins de temps qu’il ne faut pour dire le poème en entier, mon panier était rempli. Joie suprême.

Voilà, je vous ai donné mon truc. Même si j’ai bien peur qu’il ne fonctionne que pour moi, vous pouvez toujours l’essayer. Et si un jour, lors d’une de vos promenades forestières, vous entendez : « C’est un trou de verdure où chante une rivière, accrochant follement aux herbes des haillons d’argent », pas d’inquiétude, ce sera juste un chercheur de champignon qui passe…et qui ramasse !!

 

Juillet 21